Le Bénin brille une fois encore sur la scène académique internationale. Le mardi 18 novembre 2025, à l’Institut international d’études sociales de l’Université Erasmus Rotterdam, à La Haye (Pays-Bas), le chercheur béninois Deo-Gracias Sèdjro Oloyédé Houndolo a obtenu le grade de docteur en économie de développement au terme d’une soutenance publique de haut niveau scientifique.
Intitulée « Que nous enseignent les interventions multisectorielles et monosectorielles à l’ère des objectifs de développement durable », cette thèse, rédigée et soutenue en anglais, explore la dynamique de la pauvreté et l’impact des politiques de développement au nord du Ghana et au Bénin, à travers une approche empirique rigoureuse et comparative. Alors que la communauté internationale s’est engagée à éradiquer la pauvreté d’ici 2030, la réalité du terrain rappelle que cet objectif reste semé d’obstacles. En Afrique de l’Ouest, où les disparités sociales et économiques demeurent fortes, la question n’est plus seulement de multiplier les programmes, mais de mesurer leur efficacité réelle. C’est dans cette optique que s’inscrit la thèse de doctorat du chercheur béninois Deo-Gracias Sèdjro Oloyédé Houndolo.
Une recherche rigoureuse au cœur des défis de la pauvreté en Afrique de l’Ouest
Devant un comité doctoral international présidé par la professeure Inge Hutter, le doctorant a défendu avec succès trois chapitres empiriques aux résultats parfois contre-intuitifs mais riches d’enseignements pour les décideurs publics. Le jury réunissait des universitaires et chercheurs de renom, parmi lesquels Dr Farzana Misha, professeure associée en économie du développement et santé publique à la BRAC University ; le professeur Alastaire Alinsato, professeur d’économie à l’Université d’Abomey-Calavi ; Dr Ama Pokuaa Fenny, professeure associée en économie de la santé, et Dr Nkechi Owoo, professeure associée en économie à l’University of Ghana ; le professeur Matthias Rieger, professeur d’économie du développement et de la santé à l’Erasmus School of Health Policy & Management ; ainsi que Dr Zemzem Shigute Shuka, professeure associée en santé mondiale et développement à l’Institut international d’études sociales (ISS). La direction scientifique de la thèse était assurée par le professeur Arjun Bedi et la professeure Natascha Wagner de la Radboud University, avec la co-direction de Dr Edoardo Masset, chercheur au National Institute of Economic and Social Research (Royaume-Uni).

Le premier chapitre dresse un tableau préoccupant de l’évolution de la pauvreté dans des villages du nord du Ghana non couverts par de grands programmes internationaux. À partir de données de panel collectées en 2012 et 2016, l’étude révèle une hausse des taux de pauvreté, avec un quart à un tiers des ménages enfermés dans une pauvreté chronique, ce qui met en lumière la vulnérabilité persistante de ces communautés rurales.
Le deuxième chapitre s’intéresse au Millennium Village Project, une intervention multisectorielle emblématique. Si des progrès notables sont observés en matière de qualité de l’habitat, de propriété foncière, de cheptel et d’accumulation d’actifs, l’analyse montre toutefois l’absence d’amélioration significative des dépenses par adulte équivalent, un indicateur clé du niveau de vie. Une réalité qui interroge l’impact structurel de ce type de programmes intégrés.
Enfin, le troisième chapitre se penche sur le PAPVIRE-ABC au Bénin, programme de résilience agricole évalué à l’aide d’un essai contrôlé randomisé. Les résultats soulignent que l’accompagnement intensif des producteurs et la fourniture gratuite d’intrants ont permis une hausse significative des rendements du maïs lors de la première campagne agricole. Mais cet effet s’estompe avec le temps. Une fois l’intervention achevée, de nombreux agriculteurs reviennent à leurs pratiques traditionnelles, faute d’une adoption durable des innovations proposées.
Au terme de ses travaux, la thèse de Deo-Gracias Sèdjro Oloyédé Houndolo délivre un message sans équivoque. Les interventions de développement, qu’elles soient multisectorielles ou ciblées, peuvent produire des améliorations ponctuelles du bien-être, mais leur durabilité reste un défi majeur. Malgré des investissements conséquents et des engagements forts, la pauvreté demeure persistante, appelant à repenser les stratégies d’accompagnement sur le long terme.
Diane ATEKPO


